Évaluer le potentiel de gain génétique par la sélection génomique dans la filière fruitière : cas d’étude chez le pommier et le pêcher

L’objectif majeur est d’apporter une vision objective de l’intérêt des marqueurs grâce à la comparaison de gains génétiques entre schémas de sélection ayant recours ou non à des stratégies de génotypage. Comme énoncé plus haut, des développements méthodologiques récents rendent accessible la simulation de schémas de sélection une fois les paramètres d’entrée connus (Ben- Sadoun et al., 2021; Fugeray-Scarbel et al., 2022).

 Offre de stage de M2 pour 2025 (dès février-mars, durée 6 mois)

Encadrement :

Morgane ROTH, INRAE GAFL (Avignon) Hélène MURANTY, INRAE IRHS (Angers)

Sarah BEN SADOUN, AgrosParisTech (Palaiseau)

Contexte et motivations

L’un des ingrédients essentiels de la Révolution Verte est la professionnalisation du métier de sélectionneur et la mise en pratique de la théorie de la génétique quantitative dans les schémas de sélection, notamment par l’emploi de « l’équation du sélectionneur » (Lush, 1937). Cette équation indique que le gain génétique, par exemple exprimé en unité de rendement par an, peut être optimisé à l’aide de différentes stratégies de sélection. En particulier, recourir à des diagnostics génétiques pour sélectionner dès le stade plantule promet un gain de temps et d’intensité de sélection. Des années 90 à aujourd’hui, l’emploi des marqueurs génétiques chez les plantes s’est ainsi généralisé, soit à des fins de sélection assistée par marqueurs (pour les traits à contrôle génétique simple) ou de sélection génomique (pour les caractères quantitatifs). L’intérêt de ces stratégies n’est plus à prouver, comme en témoigne l’adoption par les grandes entreprises semencières de la sélection génomique (Gholami et al., 2021), qui représente un réel changement de paradigme et participe à l’hyperspécialisation de la filière sélection.

Chez les espèces fruitières et la vigne ce constat est toutefois nuancé : s’il est à noter que la sélection assistée par marqueurs se systématise pour certains programmes, aucun ne met en œuvre la sélection génomique. Nous pouvons certes nous appuyer sur une littérature riche démontrant que les précisions de prédiction sont satisfaisantes pour un certain nombre de traits de phénologie, de rendement et de qualité notamment chez le pommier, l’abricotier, et la vigne (Brault et al., 2022; Cazenave et al., 2022; Jung et al., 2021; Nsibi et al., 2020; Roth et al., 2020). Mais nous manquons encore d’éléments traduisant ces résultats prometteurs en gain génétique, et d’efforts de vulgarisation pour convaincre les acteurs de la sélection. En somme, passer du stade de prédictions génomiques à la sélection génomique à proprement parler implique une part de risque économique, thème qui n’a pas été étudié en profondeur chez les espèces fruitières.

Améliorer les stratégies de sélection fait partie des objectifs des départements Biologie et Amélioration des Plantes et Génétique Animale d’INRAE, notamment grâce au réseau R2D2 (Fugeray- Scarbel et al., 2021). Au sein de ce réseau, généticiens et économistes unissent leurs efforts pour tester et améliorer les méthodes de sélection génomique dans le monde animal et végétal.Récemment, une méthode de simulation de schémas de sélection a été publiée grâce à ce réseau pour comparer les gains génétiques entre des programmes faisant intervenir ou non les marqueurs génétiques en prenant appui sur le modèle du blé (Fugeray-Scarbel et al. 2022). L’ambition du présent projet de stage est d’appliquer ce>e méthodologie aux espèces fruitières, qui ont des caractéristiques bien différentes des plantes annuelles, pour communiquer sur les atouts de l’emploi des marqueurs auprès des sélectionneurs avec des éléments chiffrés.

Objectifs et résultats attendus

L’objectif majeur est d’apporter une vision objective de l’intérêt des marqueurs grâce à la comparaison de gains génétiques entre schémas de sélection ayant recours ou non à des stratégies de génotypage. Comme énoncé plus haut, des développements méthodologiques récents rendent accessible la simulation de schémas de sélection une fois les paramètres d’entrée connus (Ben- Sadoun et al., 2021; Fugeray-Scarbel et al., 2022).

Les paramètres à rassembler pour générer les modèles concernent (i) la structure des schémas de sélection à comparer : nombre d’étapes, leurs durée, effectifs, pressions de sélection et coûts de base associés, et (ii) la biologie de l’espèce ciblée : population effective (de départ), polymorphisme génétique, type de traits et leur architecture génétique (nombre de QTLs). L’objectif de sélection sera ici le rendement, défini comme un caractère architecture complexe (100 QTLs), en considérant différents niveaux d’héritabilité variables (0.2, 0.4, 0.7). L’étudiant aura accès à ces paramètres d’entrée et à un cluster de calcul pour réaliser ses simulations de schémas de sélection chez le pommier et de pêcher. Les populations de base seront des collections de 534 et 192 individus respectivement, génotypées à l’aide de 303,000 et 16,000 marqueurs SNPs sur lesquelles les équipes travaillent actuellement. Les données d’entrée des coûts seront fournies par les entreprises CEP- Innovation et Novadi, partenaires d’INRAE dans le cadre de co-obtentions.

Les différents schémas à comparer comprendront :

  • Choix des combinaisons parentales à l’aide de sélection phénotypique ou prédiction génomique (SelGen)
  • Choix des individus à retenir au stade F1 au premier stade d’observation (sur propres racines) à l’aide de sélection phénotypique ou prédiction génomique
  • Choix des individus à retenir au stade F1 au second stade d’observation (greffage, essais multisites) à l’aide de sélection phénotypique ou prédiction génomique

La combinaison des différents paramètres donnera lieu à une comparaison d’une dizaine de schémas possibles, testés sur chacune des espèces. On s’attend à des gains génétiques plus importants avec l’emploi de la SelGen comparé à une stratégie de sélection phénotypique pure. Les résultats devraient permettre une prise de recul sur le positionnement stratégique du marquage moléculaire dans un schéma de sélection, et une meilleure compréhension des freins inhérents à l’emploi des marqueurs dans la filière fruitière. L’étudiant participera avec ses encadrants à la vulgarisation des résultats auprès des sélectionneurs.

Activités dominantes confiées au stagiaire :

  • Mise en forme des paramètres et données d’entrée pour générer les simulations de schémas de sélection sur plusieurs générations
  • Simulations de schémas de sélection faisant intervenir différentes stratégies à coût total constant sur le pommier et le pêcher pour des traits communs en adaptant des scripts R
  • Comparaison des gains génétiques entre stratégies de sélection phénotypique SelGen, pour chaque espèce
  • Comparaison des gains génétiques entre le pommier et le pêcher pour des stratégies identiques : interprétations biologiques et socio-économiques
  • Interactions régulières avec le réseau de chercheurs en méthodologie de sélection fruitière et vigne
  • Participation à la vulgarisation et à la mise en perspective des résultats auprès des acteurs de la sélection fruitière
  • Intégration dans les équipes DADI/Prunus de l’unité Génétique et Amélioration des Fruits et Légumes (GAFL) et VaDiPom de l'Institut de Recherche en Horticulture et Semences (IRHS) pour se familiariser avec les deux espèces pêcher et pommier

Profil requis :

  • Dernière année de Formation Supérieure BAC + 5
  • Connaissances : génétique quantitative, méthodologie de sélection, si possible avec un bagage en agronomie et productions végétales et/ouen micro-économie.
  • Compétences opérationnelles : niveau intermédiaire ou avancé en langage R, travail en équipe, générer, interpréter et synthétiser des analyses, rendre compte des résultats à intervalles réguliers
  • Langues : français courant, anglais lu

Indemnisation :

Selon la règlementation en vigueur pour 2025 (environ 650 €/mois)

Avantages proposés :

  • Logement : le stage s’effectuera d’abord pendant 3 mois dans l’unité GAFL située à Avignon,

puis 3 mois dans l’unité IRHS située à Angers. Quelques chambres sont disponibles à la location sur le centre INRAE à Avignon. En cas de difficultés liées au logement, l’étudiant·e pourra réaliser les 6 mois dans l’un ou l’autre site (à discuter).

  • Restauration : subvention INRAE pour les repas au restaurant inter-entreprises
  • Déplacements : un ou deux déplacements éventuels pour des réunions de projet

Contacts des maitres de stage :

Publications de l’équipe d’accueil et/ou relative au sujet (le nom des encadrants figure en gras)

Ben-Sadoun, S., Fugeray-scarbel, A., Auzanneau, J., Charmet, G., Lemarié, S., and Bouchet, S. (2021). Integration of Genomic Selection into Winter-Type Bread Wheat Breeding Schemes: A Simulation Pipeline including Economic Constraints. Crop Breeding, Genet. Genomics 3, 1–29.

Brault, C., Segura, V., This, P., Le Cunff, L., Flutre, T., François, P., Pons, T., Péros, J.-P., and Doligez, A. (2022). Across- population genomic prediction in grapevine opens up promising prospects for breeding. Hortic. Res. 9, 1–13.

Cazenave, X., Petit, B., Lateur, M., Nybom, H., Sedlak, J., Tartarini, S., Laurens, F., Durel, C.-E., and Muranty, H. (2022). Combining genetic resources and elite material populations to improve the accuracy of genomic prediction in apple. G3 Genes|Genomes|Genetics 12.

Fugeray-Scarbel, A., Bastien, C., Dupont-Nivet, M., and Lemarié, S. (2021). Why and How to Switch to Genomic Selection: Lessons From Plant and Animal Breeding Experience. Front. Genet. 12, 1–9.

Fugeray-Scarbel, A., Ben-Sadoun, S., Bouchet, S., and Lemarié, S. (2022). Analyzing the Economic Effectiveness of Genomic Selection Relative to Conventional Breeding Approaches. In Methods in Molecular Biology, pp. 619–644.

Gholami, M., Wimmer, V., Sansaloni, C., Petroli, C., Hearne, S.J., Covarrubias-Pazaran, G., Rensing, S., Heise, J., Pérez- Rodríguez, P., Dreisigacker, S., et al. (2021). A Comparison of the Adoption of Genomic Selection Across Different Breeding Institutions. Front. Plant Sci. 12.

Jung, M., Keller, B., Roth, M., Aranzana, M.J., Auwerkerken, A., Guerra, W., Al-Rifai, M., Lewandowski, M., Sanin, Lush, J.L. (1937) Animal Breeding Plans. Ames: Iowa State College Press.N., Rymenants, M., et al. (2021). Genetic architecture and genomic prediction accuracy of apple quantitative traits across environments. BioRxiv 2021.11.29.470309.

Nsibi, M., Gouble, B., Bureau, S., Flutre, T., Sauvage, C., Audergon, J.-M., and Regnard, J.-L. (2020). Adoption and Optimization of Genomic Selection To Sustain Breeding for Apricot Fruit Quality. G3 Genes|Genomes|Genetics 10, 4513– 4529.

Roth, M., Muranty, H., Di Guardo, M., Guerra, W., Patocchi, A., and Costa, F. (2020). Genomic prediction of fruit texture and training population optimization towards the application of genomic selection in apple. Hortic. Res. 7, 148.